L’ascension du laser à fibre au thulium en urologie
Le 01 mai 2022
Catégorie : Lasers Haute Puissance
Introduction
Les lasers à fibre offrent de nombreux avantages qui favorisent leur adoption dans un nombre grandissant d’applications qui jusqu’à tout récemment faisaient appel à d’autres technologies laser (lasers à état solide à base de cristaux, lasers à gaz, à semiconducteurs, etc.). Les applications thérapeutiques des lasers existent depuis leur introduction dans les années 60, et n’ont cessé de se multiplier et de se raffiner depuis. Le laser à fibre thérapeutique représente un raffinement important car il ouvre de nouvelles possibilités pour améliorer la précision et le contrôle lors des interventions chirurgicales. C’est notamment le cas en urologie, où un nouveau venu, le laser à fibre thulium (TFL), possède tous les attributs pour aspirer à détrôner le laser Ho:YAG, qui se veut la référence depuis plus de vingt ans pour la lithotripsie et autres traitements laser utilisés dans cette branche de la médecine.
Lithotripsie
La lithotripsie est un traitement au laser qui vise à éliminer les calculs qui peuvent obstruer les voies urinaires (vessie, reins, uretères, urètre). Le laser est acheminé par endoscopie via les voies naturelles, puis délivré de manière à irradier les calculs avec l’énergie requise pour provoquer la désintégration de ceux-ci. On cherche à obtenir des fragments de la plus petite taille possible, idéalement à réduire le calcul en poussière. Ceci permet d’éviter de retirer les fragments à l’aide d’un panier spécial ou d’autres instruments chirurgicaux, et de réduire la durée des interventions et les risques de complications. La taille des fragments dépend en général des conditions d’irradiation, ce qui inclut la longueur d’onde et la durée des impulsions.
Laser Ho:YAG
Le laser Ho:YAG urologique est un laser à état solide utilisant une tige cristalline pompée par lampe flash comme milieu de gain. Le laser émet des impulsions à une longueur d’onde d’environ 2100 nm. À cette longueur d’onde, la plus grande partie de l’énergie du laser est absorbée par l’eau dans les premiers 400 µm avoisinant le bout de la fibre optique utilisée pour acheminer le laser au site de traitement, ce qui permet une utilisation sécuritaire en contexte endourologique. La technologie Ho:YAG a été graduellement perfectionnée au fil des ans pour améliorer les traitements et contrer certaines problématiques comme la rétrorépulsion. Un peu comme l’effet de recul associé à un tir d’arme à feu, la désintégration d’un calcul produit une contre-réaction qui a pour effet de d’éloigner les calculs et de forcer le chirurgien à les chercher dans les uretères et parfois jusque dans les reins. Ceci allonge la durée de la procédure et dans certains cas peut empêcher l’accès aux calculs. Pour contrer cet effet, les manufacturiers utilisent une astuce qui consiste à d’abord créer un « tunnel de vapeur » avec une impulsion courte de faible énergie, suivie de l’impulsion qui, en empruntant ce tunnel, provoquera l’ablation des calculs. Autre amélioration, le taux de répétition maximal des impulsions initialement limité à environ 15 Hz peut maintenant atteindre 100 Hz, un développement motivé par le souhait de rapidement et efficacement réduire en poussière (to « dust » en anglais) les calculs de manière à éviter les manipulations compliquées et coûteuses en temps opératoire pour retirer les fragments.
Laser à fibre Thulium
Le TFL utilise une fibre optique de silice dopée au thulium le plus souvent pompée à l’aide de diodes lasers fibrées émettant aux alentours de 793 nm. En plus de son cœur dopé, la fibre active possède une gaine qui guide les photons de pompe qui sont graduellement absorbés par les ions Tm à partir du point d’entrée. Grâce à cette fibre à double gaine (Double Clad Fiber en anglais), à la fois l’émission laser et la pompe sont guidées, contrairement à la propagation libre employée dans le laser Ho:YAG. Cette architecture s’avère naturellement avantageuse pour la chirurgie laser par endoscopie, car l’émission laser peut être couplée presque directement de la fibre de sortie du laser à la fibre de l’endoscope. Dans le cas du laser Ho:YAG, un système de lentilles calibrées est requis, et en pratique il n’est pas possible de coupler la lumière dans une fibre ayant un cœur de diamètre inférieur à 200 µm. En comparaison, avec le TFL, une fibre ayant un cœur de 50 µm de diamètre peut être utilisée.
La longueur d’onde centrale du laser, située dans le spectre d’émission du thulium, est déterminée par celle des réseaux de Bragg qui servent de miroirs de cavité (Figure 1). Ces réseaux sont fabriqués dans une fibre passive à double gaine compatible avec la fibre active dopée au Tm. Le TFL urologique est habituellement conçu pour émettre à 1940 nm. Comme cette longueur d’onde se situe plus près du pic d’absorption de l’eau que celle du laser Ho:YAG, l’énergie du laser est absorbée sur une distance plus faible (quatre fois plus faible en fait). Étant donné le caractère exponentiel de l’absorption (loi de Beer-Lambert), le rayonnement du TFL est absorbé environ 16 000 fois plus que celui du laser Ho:YAG sur une distance de 1 mm. Il en résulte une interaction laser-tissu ou laser-calcul beaucoup plus confinée et une réduction marquée de l’énergie minimale requise pour initier la formation de micro-bulles de vapeur.
Figure 1. Main components of a TFL, including a pair of FBG reflectors that defines the laser cavity.
HR: High Reflector. OC: Output Coupler.
Avantages du laser à fibre Thulium par rapport au laser Ho:YAG
Comparativement au laser Ho:YAG, le confinement accru que procure le TFL se traduit en un seuil d’ablation quatre fois plus faible. La conséquence est que pour une énergie donnée, le TFL permet de désintégrer un volume significativement plus grand de calculs. En corollaire, l’énergie nécessaire pour l’ablation d’un volume donné se trouve réduite. Ceci rend le TFL moins sujet à l’effet de rétrorépulsion. Qui dit confinement accru dit également traitement plus sécuritaire, avec moins de risque d’infliger des dommages collatéraux aux tissus environnants.
Dans le cas du TFL, les impulsions générées à partir de la modulation directe du courant des pompes permet une plus grande flexibilité et un meilleur contrôle des conditions d’irradiation sur des plages en général plus étendues. Alors que les impulsions produites par le laser Ho:YAG possèdent une forme irrégulière comportant typiquement plusieurs pics, celles du TFL présentent un profil quasi rectangulaire avec une puissance crête qui varie très peu sur la durée de l’impulsion. Cette durée peut être ajustée entre 100 et 12 000 µs, comparativement à 50-1 300 µs pour le laser Ho:YAG. Le taux de répétition des impulsions peut se situer entre 5 et 2200 Hz, alors que pour le Ho:YAG le maximum avoisine 100 Hz seulement (principalement limité par des effets de lentille thermique dans le cristal). Quant à l’énergie des impulsions, les deux technologies permettent d’atteindre un maximum d’environ 6 J, par contre le TFL procure un contrôle plus fin dans le bas de la plage d’ajustement, avec une énergie minimale plus faible (25 mJ vs 200 mJ pour le Ho:YAG). Ceci constitue un atout précieux pour générer les fragments les plus petits possible (dusting) tout en maintenant la rétrorépulsion au minimum.
Plusieurs études ont démontré la supériorité du TFL en termes d’efficacité dans les traitements urologiques. Plusieurs facteurs expliquent cette supériorité. L’absorption très localisée du rayonnement provoque la vaporisation explosive de l’eau emprisonnée dans les interstices, microfissures et pores situés en surface du calcul, ce qui génère des pics de pression accompagnés d’ondes de stress mécanique se propageant dans l’ensemble du calcul. Ces stress affaiblissent le calcul tout en enlevant les débris du site d’irradiation. Dans le cas du laser Ho:YAG, il n’a pas été démontré que ce mécanisme intervenait directement dans l’ablation. La taille moyenne des fragments s’en trouve également diminuée – en plus de produire davantage de particules de taille inférieure à 0.5 mm que le Ho:YAG, le TFL peut produire des particules extrêmement petites de moins de 0.1 mm. On parle alors de véritable poussière. Les taux de répétition élevés permettent de produire cette poussière à une plus grande cadence qu’avec le laser Ho:YAG. La réduction majeure de la rétrorépulsion constitue un autre facteur déterminant dans la durée des traitements au TFL, le chirurgien n’ayant pas besoin de constamment réajuster la position de la fibre vers le calcul.
Autre avantage, l’emploi de fibres de plus petit diamètre rime avec une plus grande flexibilité des endoscopes et avec la possibilité de traiter des sites autrement inaccessibles. L’espace libéré permet également une irrigation accrue et une meilleure visibilité.
Le TFL comporte de nombreux autres avantages par rapport au laser Ho:YAG, dont une consommation d’électricité presque dix fois plus faible, l’absence de circuits de haute tension, un encombrement sept fois moindre et un poids huit fois plus faible. Dans une salle de chirurgie, ces contraintes réduites favorisent grandement l’adoption du TFL. Ajoutez à cela des coûts de maintenance significativement plus faibles et la nouvelle technologie devient presqu’irrésistible.
Miroirs de cavité pour TFL
Le succès du TFL pour l’urologie dépend de la disponibilité de composants fiables dans le contexte d’utilisation propre à ce type de laser, ce qui inclut les miroirs de cavité. Ces réflecteurs à réseaux de Bragg doivent respecter les exigences de base suivantes :
- Longueur d’onde centrale de 1940 nm
- Tenue en puissance crête d’au moins 600 W à 1940 nm (signal laser), pour des impulsions milliseconde
- Tenue en puissance crête d’au moins 1300 W à 793 nm (pompe du laser), pour des impulsions milliseconde
- Disponibilité pour des fibres passives à double gaine de format 25/400 (cœur signal de 25 µm de diamètre, gaine de pompe de 400 µm de diamètre).
Les lasers à fibre haute puissance sont largement utilisés dans la bande de l’ytterbium (longueur d’onde typique de 1080 nm) pour les applications industrielles de découpe et de soudure, avec des puissances d’opération de 3 kW ou plus par cavité. Les miroirs de cavité pouvant opérer à ce niveau de puissance sont disponibles de plusieurs fournisseurs et sont fiables parce que cette technologie est éprouvée à cette longueur d’onde. Par ailleurs, il existe des défis spécifiques pour les miroirs de cavité devant opérer dans la bande du thulium. Le principal défi est de limiter l’échauffement des réseaux, et les procédés de fabrication utilisés pour les réseaux à 1 µm ne permettent pas d’offrir la fiabilité attendue à 2 µm. Au lieu de cela, la température excessive des réseaux conduit typiquement à des dommages de type fiber fuse (Figure2).
Figure 2. Excessive heating can cause fiber fuse type damage in FBGs.
TeraXion a lancé les miroirs de cavité de la série HPR Med-2, qui sont des réflecteurs à réseaux de Bragg spécifiquement conçus pour répondre aux exigences des TFL médicaux. Des procédés uniques permettent de considérablement limiter (facteur 10) l’échauffement des réseaux par rapport aux procédés conventionnels, tel qu’illustré à la figure 3. Cette réduction de l’échauffement se traduit également par une réduction mesurable (allant jusqu’à un facteur 3) du décalage en longueur d’onde du laser en fonction de la puissance de sortie, comme le montre la figure 4.
Figure 3. Relative heating of conventional vs TeraXion Med-2 series HPR reflectors.
Figure 4. Relative laser peak wavelength shift vs output power with conventional vs TeraXion Med-2 series HPR reflectors.
Avec des pertes d’insertion faibles, les réflecteurs de la série Med-2 aident à produire des cavités laser qui sont moins susceptibles de contribuer à l’initiation du phénomène d’auto-pulsation, où des impulsions de grande énergie peuvent provoquer des dommages importants aux composants de la chaîne optique. Le produit peut être configuré pour différents designs de cavité, que ce soit au niveau de la réflectivité, de la largeur de bande ou du type de fibre. Les performances de ces miroirs de cavité sont très reproductibles d’une unité à l’autre, ce qui favorise l’obtention de performances lasers tout aussi reproductibles.
Conclusion
Avec tous leurs avantages, les TFL sont appelés à progressivement remplacer les laser Ho:YAG utilisés en urologie. La transition est déjà amorcée, et TeraXion est fière d’en faire partie en offrant des produits novateurs, performants et fiables spécifiquement conçus pour ce type de laser.
Réflecteur haute puissance - Série Med-2
TeraXion a développé un procédé de fabrication exclusif pour minimiser l’échauffement des réflecteurs pour les lasers fonctionnant à 1940 nm.